La Voix du Nord du Mardi 18 novembre 2003

Archéologie

Un site exceptionnel sort de terre à Marquette-lez-Lille
Jeanne de Flandre dort sous l'usine

L'établissement chimique Rhodia n'est pas exactement le genre de lieu dans lequel on imaginerait une comtesse. Pourtant c'est bien là que semblent se reposer pour l'éternité Jeanne de Flandre et son mari, Ferrand de Portugal
L'historien Benoît Chauvin et son équipe d'archéologues sont arrivés hier au terme de leur premier sondage. Au premier coup de pioche, le 22 septembre, ils sont tombés sur les vestiges: le choeur, le transept, la nef et l'aile des moniales sont très exactement là où les calculs du chercheur au CNRS les situaient.
Pourtant, rien n'assurait que les vagues d'industrialisations successives qui ont frappé le site n'étaient pas venues à bout des derniers vestiges. Construite à l'apogée de l'art gothique puis incendiée par les troupes autrichiennes en 1793, l'abbaye mitoyenne de la Deûle fut délogée par les industries...
Casque de chantier vissé sur la tête, les archéologues respectent des règles de sécurité bien précises dans ce site classé Seveso 2. "Au départ, évidemment, on a une petite appréhension à l'idée de travailler dans ce genre de lieu. Mais à la limite, on est plus à l'abri des mauvaises surprises ici que dans les chantiers en ville", souligne Nicolas Dessaut, archéologue de la ville de Lille. L'équipe est constamment en liaison avec le service de sécurité de Rhodia, prêt à intervenir à la moindre anomalie.
Véritable miracle
Seuls deux hectares sont pour l'instant réservés aux sondages, correspondant au choeur et aux nefs de l'abbatiale. "La pollution chimique est miraculeusement absente de ce périmètre. Nous nous tenons toutefois sur nos gardes en tenant compte de l'historique des terrains situés à proximité d'anciens stockages pétroliers Shell, Esso et Mobil", précise J. Ferradini, directrice de Rhodia.
Ce même périmètre figure en bonne place sur le PLU de la commune. "C'est un périmètre réservé. Nous aimerions y voir à terme éclore un jardin archéologique", annonce Jean Delebarre, maire de Marquette-lez-Lille. Mais ce jardin ne verra le jour que lorsque tous les sondages, suivis de fouilles, seront terminés. "Nous n'en sommes qu'à la première étape sur le terrain", insiste Benoît Chauvin.
Profitant des dernières heures du site à ciel ouvert, le chercheur ne peut se retenir de présenter les magnifiques mosaïques, la dalle funéraire et les structures incroyablement préservées de l'abbaye. "J'ai beaucoup d'admiration pour le personnage de Jeanne de Flandre, enterrée ici en habit de religieuse. C'est injuste qu'elle gise dans un site industriel", souligne l'historien à l'origine de la renaissance de Marquette.
Les tranchées sont à présent rebouchées et les prochains sondages ne verront le jour qu'au printemps. Quant au silence propice au recueillement religieux, il ne reprendra ses droits qu'en 2005, fin programmée de l'activité chimique.
Candice Moors

 
Le corps de la comtesse à l'origine de l'abbaye cistercienne n'a pas encore été sorti de terre. Mais c'est une simple question de temps... Ph. "La Voix"
 
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